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Note d'intention


Les animations que je propose depuis quelques années s'inscrivent dans une continuité et
accompagnent certaines évolutions notables qui surviennent actuellement dans le champ des arts (musique et arts sonores, spectacle vivant etc.).Elles s’inscrivent également dans le champ des discours théoriques sur l’art qui, récusant l’enfermement de ce dernier dans la sphère du “surplus civilisationnel” voir du divertissement consumériste sont à l’écoute de questionnements découlants des crises écologique, économique, éthiques, politiques, sociale ainsi que de la crise des représentations que nous traversons.

Il ne s'agit cependant pas d'analyser tous les enjeux de la «post- modernité », ses complexités et ses multiplicités, mais d'interagir avec elles, voire de surenchérir en insistant par là-même sur la dimension totalitaire et envahissante d'une société ultra médiatisé et mécanisée qui se prétend libérale et qui s’affirme démocratique. Hors de tout processus démocratique, en effet, le développement du consumérisme occidental engendre une violence multiforme et menace jusqu’à l’existence même de l’humanité.

Partant des formes de vie les plus ordinaires, mes animations jouent avec le détournement des espaces familiers, des objets, des images et des sons présents dans le vécu banal et quotidien.
Les matériaux visuels et sonores que j'emploie sont, soit des créations personnelles (dessins, photos animées, bruitages), soit du « found footage ». Le son, travaillé tantôt en contrepoint, tantôt en harmonie, est pleinement exploité pour apporter la force poétique et sémantique essentielle à l’oeuvre.

Ces films aux frontières de l'absurde, mêlant l'intime et le collectif, sont empreints d’un pessimisme amer mais ne se privent pas pour autant de faire usage d’humour et de dérision. C’est en effet le propre du pessimisme que de se métamorphoser en son contraire, tout comme le propre de l'art est de lier ces forces opposées.
Dit autrement : « Il faut faire avec le pessimisme le plus profond, l’optimisme le plus invincible » (Nietzsche) ; ou bien encore : (Gramsci) « Je suis pessimiste avec l’intelligence, mais optimiste par
la volonté » ...de créer ?

E.K

INCORRECT KNOWLEGDE, Machines délirantes et désirents..
Attaquer l’objet par sa racine carrée, ou prendre Deleuse au premier degré


Au premier degré, une lecture de Deleuze et Guattari soulève la question du désir machinique, de sa possibilité et de la possibilité de sa représentation :
Nos machines désirantes ne sont quant à elles ni reliées, ni connectées l’une à l’autre, elles ont chacune leur propre fonction « autonome ». Elles nécessitent donc encore un sujet désirant et signifiant qui les meut et qui intériorise (c’est-à-dire place à l’intérieur de ces machines) du désir et du sens. Car seul le pouvoir du rêve (ou de l’imagination, voire de la spéculation philosophique) peut les faire copuler : aucun réseau rhizomique
n’achemine et ne suscite de désir entre elles. Aussi, les seuls ersatz de rhizomes n’apparaissent qu’avec la destruction des machines, ne sont que les produits disséminés de leur broyage. Le vrai désir va-t-il surgir enfin de leur décomposition et de leur entremêlement machinique ? Certainement non ! La mort, ne serait-elle que machinique, détruit toute possibilité de désir puisqu’elle détruit la vie et son mouvement cyclique, détruit même jusqu’à l’Etre de la métaphysique : Je ne connais d’autre définition de l’être que la vie ; comment quelque chose de mort pourrait - elle « être » ? (Nietzsche).
Pour échapper à la fin tragique du désir que promet l’avenir machinique, il faut que Thanatos ne soit qu’un rêve cauchemardesque à l’intérieur du rêve, et qu’il laisse finalement la victoire à Eros et, partant, à un nouveau cycle du désir. Un désir que l’on retrouve tel qu’il est et qui n’est que ce qu’il est, quoi qu’on en dise, qu’on en pense et qu’on en prétende. Incorrect Knowledge se veut donc être un portrait impitoyable de la condition humaine, une allégorie qui tente d’exposer ce qui s’y entrecroise d’incommunicabilité, de solitude, de sexualité feinte, d’aliénation. Des bribes de vie - ancrées dans les problématiques contemporaines du mode de consommation et de production - empreintes d’un pessimisme amer qui, «par nature », fait usage d’humour et de dérision. C’est en effet le propre du pessimisme que de se métamorphoser, à force d’humour et de dérision, précisément, en son contraire.

René Vaillant
Professeur de Philosophie